Swift

Martin le martinet

Petit à petit, l’oiseau fait son nid

Texte de John Miles

Illustrations de Barry Robson



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En Grande-Bretagne, les martinets manquent de trous où nicher. Ainsi, leur nombre a diminué de moitié.

Martin le martinet, sponsorisé par Ibstock Bricks Limited.


Au-dessus de la ville de Bath, les martinets s’amusent et profitent du beau temps. Ils survolent Victoria Park, se régalant des nombreux insectes qu’ils rencontrent. Soudain, Papa et Maman se dirigent vers une fissure du Royal Crescent, un ensemble de maisons de l’époque georgienne dont le nom, « croissant royal », renvoie à la forme arquée. Ils arrivent si vite ! On dirait qu’ils vont s’écraser contre le mur. Mais ils disparaissent dans la fissure aussi facilement que par une porte grande ouverte.


Ils y retrouvent le petit Martin, qui attend la livraison de nourriture pour satisfaire son appétit grandissant. Mouches, faucheux, araignées et pucerons : cette boule d’insectes agglutinés lui donnera les protéines nécessaires pour faire pousser ses plumes.


Un jour, il se hissera au bord de la cavité et s’élancera dans le ciel comme les adultes. Une fois le repas gobé, Martin se retrouve tout seul : ses parents repartent chasser pour nourrir leur fils en pleine croissance.


Autrefois, les martinets nichaient dans les troncs d’arbres, mais au fil des siècles, ils se sont installés dans les cavités des bâtiments. Il y a longtemps, les forêts de Grande-Bretagne, d’abord vénérées, ont été abattues et transformées en champs. Une fois les arbres coupés, le nombre de martinets a probablement baissé à cause du manque de cavités. Toutefois, avec l’arrivée des Romains, les oiseaux ont vu se construire de grands bâtiments en pierre et y ont trouvé des trous pour faire leur nid. Ainsi, ces édifices aussi solides qu’impressionnants ont abrité des générations de martinets. Les maisons en bois bâties ensuite par les Saxons et les Vikings, à l’inverse, n’offraient pas de cavités adaptées. Il a donc fallu attendre l’arrivée des Normands, il y a mille ans, pour que soient construits des châteaux et des églises où les martinets ont à nouveau pu faire leur nid.


Dans le superbe Royal Crescent, Martin est ravi par la vue qu’offre son nid : il admire la vallée de l’Avon, qu’il survolera bientôt avec les autres martinets. Le grand jour est arrivé ! Martin se glisse hors de la cavité, bat des ailes et prend son envol. Quelle sensation merveilleuse ! Après l’obscurité du nid, la lumière du jour est si belle. De ses ailes arquées, dont la forme rappelle sa maison natale, Martin peut enfin fendre l’air. Il survole Victoria Park, l’abbaye et les thermes de Bath puis la rivière Avon. « Je ne regrette pas mon nid si sombre ! », se dit-il.


Martin ne le sait pas encore, mais il ne se posera pas avant d’être en âge de se reproduire. Doté de pattes minuscules, il est parfaitement adapté à une vie dans les airs. Il aurait beaucoup de mal à décoller s’il se trouvait par terre : il ne pourrait que pousser sur ses petites pattes en frappant le sol de ses longues ailes, en vain. Les martinets ont d’ailleurs des pattes si courtes que leur nom grec signifie « sans pieds ».  Ils préfèrent donc nicher en hauteur pour ne pas risquer de toucher le sol. La prochaine expérience de Martin ? Dormir dans les airs, bien loin de son nid !


Les martinets adultes de Bath sont bientôt prêts pour une nouvelle migration. Arrivés en Grande-Bretagne au mois de mai, ils repartent parfois vers l’Afrique dès la fin du mois de juillet. Martin s’apprête à vivre un périple plein d’aventures. L’un des plus vieux martinets jamais recensés était âgé de 21 ans. Dans sa vie, il a pu parcourir près de cinq millions de kilomètres pour migrer et chasser. Alors qu’il survole la côte jurassique, Martin découvre enfin la mer ! Le long du littoral, d’innombrables fossiles sont enterrés depuis des millions d’années. En Allemagne, des paléontologues ont même retrouvé des traces d’ancêtres du martinet, disparus il y a 50 millions d’années.


Après avoir traversé la mer, Martin et ses amis arrivent en France. Plus au sud encore, au-dessus des Pyrénées, ils sont rejoints par des martinets à ventre blanc, bien plus grands qu’eux. Au sud de l’Espagne, ils découvrent un immense rocher, où des macaques de Barbarie tentent de voler les appareils photo des touristes. Les voilà à Gibraltar ! À présent, seul le détroit du même nom les sépare encore de l’Afrique. En compagnie de milans noirs, de bondrées apivores et de cigognes blanches, les martinets se laissent porter par des colonnes d’air chaud pour monter très haut dans le ciel puis planer jusqu’en Afrique sans aucun effort. Mais de toute façon, Martin déborde d’énergie grâce aux insectes dont il se nourrit. « Je suis le plus rapide ! », se dit-il joyeusement.


En un clin d’œil, les martinets arrivent au Maroc. Au-dessus du désert du Sahara, qui recouvre 10 % de l’Afrique, la chaleur devient intense. Ils prennent alors de la hauteur grâce aux courants d’altitude, comme les oiseaux de proie, pour quitter rapidement cette région peu accueillante. Martin craint par-dessus tout les tempêtes de sable, qui l’aveugleraient et rempliraient son bec de poussière !


Après le désert, les martinets arrivent en Afrique de l’Ouest. Près du majestueux fleuve Gambie, ils font une escale de quelques semaines. Ils y rencontrent de nombreux oiseaux, comme de jeunes balbuzards pêcheurs, qui quitteront leur région natale pour rejoindre l’Europe une fois plus âgés. Martin découvre des constructions faites de bois, qui, comme les maisons bâties chez lui par les Saxons, n’offrent aucune cavité où nicher. Les habitants, qui transportent divers objets sur leur tête, sont vêtus d’habits colorés bien différents de ceux portés en Europe.


Les martinets reprennent leur chemin. Au-dessus du bassin du Congo, Martin est émerveillé par la forêt tropicale. Mais bien vite, celle-ci cède la place aux plaines de Zambie. Lorsqu’il y aperçoit d’étranges animaux, le jeune martinet n’en croit pas ses yeux ! Comme venues tout droit de la préhistoire, deux créatures, l’une dotée d’une corne plantée sur le museau et l’autre de deux défenses sortant de sa bouche, côtoient une bête au long cou. Mais ce ne sont qu’un rhinocéros, un éléphant et une girafe. Les yeux écarquillés, Martin ne perd pas une miette de ce magnifique spectacle.


En Grande-Bretagne, l’hiver est de retour. Mais à 11 000 km de là, dans l’hémisphère Sud, Martin profite paisiblement de l’été. Il finit par atteindre le Mozambique, bordé par l’océan Indien. Si ses ailes sont infatigables, ses pattes, constamment repliées, ont hâte de reprendre du service. Les journées commencent à raccourcir : c’est le signe, pour les martinets, qu’il est temps de faire demi-tour. Cette fois-ci, ils longent la côte Ouest de l’Afrique pour éviter la chaleur du Sahara. Ils survolent le rocher de Gibraltar, l’Espagne, la France et la Manche, puis arrivent en Grande-Bretagne.


Martin est enfin de retour chez lui ! Survolant les édifices de Bath, il cherche une cavité où il pourrait construire son nid et fonder sa propre famille avec une partenaire. Arrivé au Royal Crescent, il découvre que le trou où il est né a été bouché par du ciment. Martin a beau tourner autour du bâtiment, il ne trouve aucun endroit où il pourrait nicher. « Mais où vais-je m’installer ? », se demande-t-il, inquiet. La plupart des martinets plus âgés ont trouvé une cavité dans d’autres quartiers de la ville, mais les emplacements sont de plus en plus rares : lors des travaux d’entretien, les trous sont toujours rebouchés, et les constructions récentes n’offrent pas de cavités adaptées. Où Martin peut-il nicher ?


C’est au bord de l’Avon, dans une réserve naturelle, que son problème est résolu : des nichoirs en brique y ont été installés à l’intention des martinets revenus de migration. Martin inspecte l’un d’entre eux.


Pour transformer ce nichoir en nid douillet, sa partenaire et lui partent attraper des plumes portées par le vent et les ramènent dans leur nouvelle maison. Bien au chaud, ils sont prêts à donner naissance à la prochaine génération de martinets.


La tour du musée d’Histoire naturelle de l’université d’Oxford constitue un célèbre site de nidification artificiel pour les martinets. Dans les années 1950, l’ornithologue David Lack y a longuement étudié l’espèce.





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